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Aucun bruit sous le ciel, que la flûte des pâtres,
Ou le vol cadencé des colombes bleuâtres,
Dont les essaims, rasant le flot sans le toucher,
Revenaient tapisser les mousses du rocher,
Et mêler aux accords des vagues sur les rives
Le doux gémissement de leurs couples plaintives.
Enfin, dans les aspects, les bruits, les éléments,
Tout était harmonie, accord, enchantements ;
Et l’âme et le regard, errant à l’aventure,
S’élevaient par degrés au ton de la nature,
Comme, aux tons successifs d’un concert enchanteur,
Une musique élève et fait vibrer le cœur.


XLII


« Triomphe, disait-il, immortelle Nature,
Tandis que devant toi ta frêle créature,
Élevant ses regards de ta beauté ravis,
Va passer et mourir ! Triomphe ! tu survis !
Qu’importe ? Dans ton sein, que tant de vie inonde,
L’être succède à l’être, et la mort est féconde !
Le temps s’épuise en vain à te compter des jours ;
Le siècle meurt et meurt, et tu renais toujours !
Un astre dans le ciel s’éteint ; tu le rallumes !
Un volcan dans ton sein frémit ; tu le consumes !
L’Océan de ses flots t’inonde ; tu les bois !
Un peuple entier périt dans les luttes des rois ;
La terre, de leurs os engraissant ses entrailles,
Sème l’or des moissons sur le champ des batailles ;
Le brin d’herbe foulé se flétrit sous mes pas,
Le gland meurt, l’homme tombe, et tu ne les vois pas !