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XXXI


Leur cœur voit dans Harold un être plus qu’humain,
Qui, le soc, le trident ou l’olive à la main,
Venait, comme les dieux, entouré de mystère,
Porter un nouveau culte ou des lois à la terre.
Mais Harold, imposant silence à leurs transports :
« Je ne suis qu’un barbare, étranger sur vos bords,
Fils d’un soleil moins pur et de moins nobles pères,
Indigne, ô fils d’Hellé, de vous nommer mes frères,
Vous dont le monde entier, en comptant les aïeux,
Ne nomme que des rois, des héros, ou des dieux !
Mais partout où le temps fait luire leur mémoire,
Où le cœur d’un mortel palpite au nom de gloire,
Où la sainte pitié penche pour le malheur,
La Grèce compte un fils, et ses fils un vengeur !…
Je ne viens point ici, par de vaines images,
Dans vos seins frémissants réveiller vos courages :
Un seul cri vous restait, et vous l’avez jeté.
Votre langue n’a plus qu’un seul mot !… Liberté !
Et que dire aux enfants ou de Sparte ou d’Athènes ?
Ce ciel, ces monts, ces flots, voilà vos Démosthènes !
Partout où l’œil se porte, où s’impriment les pas,
Le sol sacré raconte un triomphe, un trépas ;
De Leuctre à Marathon, tout répond, tout vous crie :
« Vengeance ! liberté ! gloire ! vertu ! patrie ! »
Ces voix, que les tyrans ne peuvent étouffer,
Ne vous demandent pas des discours, mais du fer !
Le voilà : prenez donc ! armez-vous ! Que la terre
Du sang de ses bourreaux enfin se désaltère !