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Et, promenant sur eux ses yeux voilés de larmes,
Cherche autour des tombeaux ces fiers coursiers, ces armes,
Ces bronzes, ces tambours, qui, pleurant les héros,
D’un dernier bruit de gloire accompagnent leurs os.
Il ne voit que des fleurs et des voiles pudiques,
Des emblèmes touchants des vertus domestiques,
Des couronnes d’hymen, l’aiguille, les fuseaux,
Que les femmes d’Hellé portaient jusqu’aux tombeaux ;
Des vierges qui, vidant des corbeilles d’acanthe,
Effeuillaient sous leurs doigts les lis de l’Érymanthe ;
Des enfants éplorés, en habits d’orphelin,
Tenant les coins flottants de longs linceuls de lin ;
Et plus loin, des guerriers qui, la tête inclinée,
Plaignant avant le temps la beauté moissonnée,
Pressaient en frémissant leur glaive dans leur main,
Et, poussant des sanglots qu’ils retiennent en vain,
À l’horreur de ce deuil semblaient livrer leurs âmes,
Et pleuraient sans rougir… comme on pleure des femmes.
À cet étrange aspect, saisi d’étonnement,
Harold n’ose troubler leur saint recueillement :
Mais, au moment fatal du divin sacrifice,
Quand le prêtre, en ses mains élevant le calice,
Boit le sang adoré du Martyr immortel,
Une vierge s’élance aux marches de l’autel,
Et, victime échappée au sort qu’elle raconte,
Le front ceint de lauriers, mais rougissant de honte,
Ses longs cheveux épars, emblème de son deuil,
Chante l’hymne de mort à ses sœurs du cercueil.