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LA MORT

De peur que ses rayons, aux vivants destinés,
Par des yeux sans regard ne fussent profanés,
Ou que le malheureux, en fermant sa paupière,
N’eût à pleurer deux fois la vie et la lumière.
Ainsi l’homme, exilé du champ de ses aïeux,
Part avant que l’aurore ait éclairé les cieux !





Attendant le réveil du fils de Sophronique,
Quelques amis en deuil erraient sous le portique ;
Et sa femme, portant son fils sur ses genoux,
Tendre enfant dont la main joue avec les verrous,
Accusant la lenteur des geôliers insensibles,
Frappait du front l’airain des portes inflexibles.
La foule inattentive au cri de ses douleurs
Demandait en passant le sujet de ses pleurs,
Et, reprenant bientôt sa course suspendue,
Et dans les longs parvis par groupes répandue,
Recueillait ces vains bruits dans le peuple semés,
Parlait d’autels détruits et des dieux blasphémés,
Et d’un culte nouveau corrompant la jeunesse,
Et de ce dieu sans nom étranger dans la Grèce.
C’était quelque insensé, quelque monstre odieux,
Quelque nouvel Oreste aveuglé par les dieux,
Qu’atteignait à la fin la tardive justice,
Et que la terre au ciel devait en sacrifice.
Socrate ! et c’était toi qui, dans les fers jeté,
Mourais pour la justice et pour la vérité !!!