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Et fouillé quelques noms dans l’urne de la mort,
On se retourne en vain vers les vivants : tout dort,
Tout, jusqu’aux souvenirs de ton antique histoire,
Qui te feraient du moins rougir devant ta gloire !
Tout dort, et cependant l’univers est debout !
Par le siècle emporté tout marche, ailleurs, partout !
Le Scythe et le Breton, de leurs climats sauvages
Par le bruit de ton nom guidés vers tes rivages,
Jetant sur tes cités un regard de mépris,
Ne t’aperçoivent plus dans tes propres débris,
Et, mesurant de l’œil tes arches colossales,
Tes temples, tes palais, tes portes triomphales,
Avec un rire amer demandent vainement
Pour qui l’immensité d’un pareil monument ;
Si l’on attend qu’ici quelque autre César passe,
Ou si l’ombre d’un peuple occupe tant d’espace ?
Et tu souffres sans honte un affront si sanglant !
Que dis-je ? tu souris au barbare insolent ;
Tu lui vends les rayons de ton astre qu’il aime ;
Avec un lâche orgueil, tu lui montres toi-même
Ton sol partout empreint des pas de tes héros,
Ces vieux murs où leurs noms roulent en vains échos,
Ces marbres mutilés par le fer du barbare,
Ces bustes avec qui son orgueil te compare,
Et de ces champs féconds les trésors superflus,
Et ce ciel qui t’éclaire et ne te connaît plus !
Rougis !… Mais non : briguant une gloire frivole,
Triomphe ! On chante encore au pied du Capitole !
À la place du fer, ce sceptre des Romains,
La lyre et le pinceau chargent tes faibles mains ;
Tu sais assaisonner des voluptés perfides,
Donner des chants plus doux aux voix de tes Armides,
Animer les couleurs sous un pinceau vivant ;
Ou, sous l’adroit burin de ton ciseau savant,