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geant sur toute la ligne jusqu’à la Bastille, ne formaient qu’un cri des Tuileries au Temple. Le roi affectait de ne pas entendre ces augures de mort. En rentrant dans la cour du Temple, il leva les yeux et regarda tristement et longtemps les murs de la tour et les fenêtres de l’appartement de la reine, comme si son regard, intercepté par les planches et les barreaux, avait pu communiquer ses pensées à ceux qu’il aimait. Le maire le reconduisit dans sa chambre et lui signifia de nouveau le décret de la Convention qui ordonnait sa séparation et son isolement absolu de sa famille. Le prince supplia le maire de faire révoquer un ordre si cruel. Il obtint du moins que l’on informât la reine de son retour. Chambon accorda ce qui dépendait de lui. Le valet de chambre Cléry, laissé au roi, eut une dernière communication avec les princesses, et leur transmit les détails que son maître lui avait confiés sur son interrogatoire. Cléry donna à la reine l’assurance de l’intervention active des cabinets étrangers pour sauver le roi ; il laissa espérer que la peine se bornerait à la déportation en Espagne, pays qui n’avait pas déclaré la guerre à la France. « A-t-on parlé de la reine ? » demanda avec anxiété Madaine Élisabeth. Cléry lui répondit qu’elle n’avait pas été nommée dans l’acte d’accusation. Ah ! répondit la princesse comme soulagée d’un poids d’inquiétude, peut-être regardent-ils le roi comme une victime nécessaire à leur sûreté ; mais la reine ! mais ces pauvres enfants ! quels obstacles peuvent faire ces vies à leur ambition ?… » Dans cette entrevue dérobée aux injonctions de la commune, Cléry convint avec les princesses des rapports furtifs que la généreuse complicité d’un gardien, nommé Turgy, ménagerait entre les prisonniers. Des vêtements, des meubles, du