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XXIII

Vergniaud, dont le silence avait été trop clairement accusé par Robespierre, Vergniaud flottait entre la crainte de rendre les dissensions irréconciliables et l’horreur qu’il éprouvait à immoler de sang-froid un roi qu’il avait abattu ; cet orateur ne livrait rien à l’émotion, rien à l’ambition, rien à la peur. Il avait en lui cette puissance de génie qui s’élève jusqu’à l’impartialité ; il voyait tout du point de vue de la postérité. Il céda enfin à la prière de ses amis, à l’urgence du supplice prochain, au cri de sa sensibilité, et demanda la parole. L’attention publique lui préparait les esprits. Les tribunes, quoique vendues à Robespierre, éprouvaient du moins une sorte de sensualité involontaire à la voix de son rival. Paris palpitait de l’impatience d’entendre Vergniaud. Tant que Vergniaud n’avait pas parlé, on sentait que les grandes choses n’avaient pas été dites.

Après avoir démontré que le pouvoir de la Convention n’était qu’une délégation du pouvoir du peuple ; que, si la ratification tacite de la nation sanctionnait les actes secondaires de gouvernement et d’administration, il n’en était pas de même des grands actes constitutionnels, pour lesquels le peuple réservait l’exercice direct de sa souveraineté ; après avoir prouvé que la condamnation ou l’acquittement, le supplice ou la grâce du chef de l’ancien gouvernement, était un de ces actes essentiels de souveraineté