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XIX

Au milieu de ces tumultes et de ces outrages mutuels, madame Roland, appelée par la Convention pour être confrontée avec son accusateur Viard, paraît à la barre.

L’aspect d’une femme, belle, chef de parti, réunissant en elle les séductions de la nature au prestige du génie, à la fois rougissante et fière du rôle que son importance dans la république lui décerne, inspire le silence, la décence et l’admiration de l’Assemblée. Madame Roland s’explique avec la simplicité et la modestie d’une accusée sûre de son innocence, et qui dédaigne de confondre son accusateur autrement que par l’éclat de la vérité. Sa voix émue et sonore tremble au milieu du silence attentif et favorable de l’Assemblée. Cette voix de femme, qui pour la première fois succède aux clameurs rauques des hommes irrités, et qui semble apporter une note nouvelle aux accents de la tribune, ajoute un charme de plus à l’éloquence gracieuse de ses expressions. Viard, convaincu d’impudence, se tait. Les applaudissements absolvent et vengent madame Roland. Elle sort au milieu des marques de respect et d’enthousiasme de la Convention. Tous les membres se lèvent et s’inclinent sur son passage. Elle emporte dans son âme, elle montre involontairement dans son attitude la joie et l’orgueil secrets d’avoir paru au milieu du sénat de sa patrie, d’avoir fixé un moment les yeux de la France, vengé