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XII

Un de ces hasards que la fortune jette au milieu des événements, pour les aggraver et les dénouer, vint inopinément donner aux Jacobins de nouvelles armes contre les Girondins, de nouveaux témoignages contre Louis XVI. On a vu précédemment que ce prince, se défiant de la sûreté des Tuileries, quelques jours avant le 10 août, avait fait pratiquer dans la muraille d’un couloir obscur qui conduisait à son cabinet une armoire secrète recouverte d’une porte de fer et d’un panneau de boiserie. Le roi s’était servi pour cette opération du compagnon de ses travaux manuels quand, dans les jours de son oisiveté, il se délassait du trône par le métier de forgeron. Cet homme, dont nous avons déjà parlé, nommé Gamain, était un serrurier de Versailles ; il avait aimé tendrement Louis XVI, et rien n’aurait pu le décider à la trahison, si la démence ou les obsessions de sa femme n’avaient déraciné peu à peu dans son cœur son attachement pour le roi. Maïs cet ouvrier robuste, ayant été atteint d’une maladie de langueur presque immédiatement après le scellement de la porte de fer, rechercha, avec l’inquiétude d’une imagination fiévreuse, comment son corps jeune et vigoureux jusque-là avait pu tout à coup s’énerver et s’amaigrir comme si l’ombre de la mort avait passé sur lui, ou comme si un de ces sorts, sinistres crédulités du peuple, avait été jeté sur sa vie.