Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/448

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


V

La Montagne s’appropria ces paroles par l’enthousiasme avec lequel elle les applaudit. On eût dit qu’une main hardie venait de déchirer le nuage des lois écrites, et de faire apparaître la juridiction du glaive sur le front de tous les rois. Fauchet, bravant le délire de l’Assemblée, prononça, mais sans pouvoir les faire entendre, de courageuses paroles sur l’inutilité de la mort et sur la vertu politique de la magnanimité. « Non, conservons, dit-il, cet homme criminel qui fut roi. Qu’il reste un spectacle vivant de l’absurdité et de l’avilissement de la royauté. Nous dirons aux nations : « Voyez-vous cette espèce d’homme anthropophage, qui se faisait un jeu de nous, de vous ? C’était un roi. Aucune loi antérieure n’avait prévu son crime. Il a passé les bornes des attentats prévus dans notre Code pénal. La nation se venge en lui infligeant un supplice plus terrible que la mort : elle l’expose à perpétuité à l’univers, en le plaçant sur un échafaud d’ignominie. »

Grégoire, dans une des séances suivantes, attaqua la théorie de l’inviolabilité des rois. « Cette fiction ne survit pas à la fiction constitutionnelle qui la crée. » Il demanda non la mort, mais le jugement avec toutes ses conséquences, fût-ce la mort ; et il préjugea l’arrêt par ces paroles terribles : « Est-il un parent, un ami de nos frères immolés sur nos frontières, qui n’ait le droit de traîner