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la faculté de lui restituer la patrie et de citer devant lui, pour lui faire réparation, la volonté générale ? Citoyens, le tribunal qui doit juger Louis est un conseil politique. C’est le droit des nations qui juge les rois. N’oubliez pas que l’esprit dans lequel vous jugerez votre maître sera l’esprit dans lequel vous établirez votre république. La théorie de votre jugement sera celle de vos magistratures. La mesure de votre philosophie dans ce jugement sera aussi la mesure de votre liberté dans votre constitution. À quoi bon même un appel au peuple ? Le droit des hommes contre les rois est personnel. Le peuple tout entier ne saurait contraindre un seul citoyen à pardonner à son tyran. Mais hâtez-vous ! car il n’est pas de citoyen qui n’ait sur lui le droit qu’avait Brutus sur César ! le droit d’Ankarstroem sur Gustave ! Louis est un autre Catilina. Le meurtrier jurerait, comme le consul de Rome, qu’il a sauvé la patrie en l’immolant. Vous avez vu ses desseins perfides, vous avez compté son armée ; le traître n’était pas le roi des Français, mais le roi de quelques conjurés. Il faisait des levées de troupes ; il avait des ministres particuliers ; il avait proscrit secrètement tous les gens de bien et de courage ; il est le meurtrier de Nancy, de Courtrai, du Champ de Mars, des Tuileries. Quel ennemi étranger nous a fait plus de mal ? Et l’on cherche à remuer la pitié ! On achètera bientôt des larmes comme aux enterrements de Rome ! Prenez garde à vos cœurs ! Peuple ! si le roi est jamais absous, souviens-toi que nous ne sommes plus dignes de ta confiance, et ne vois en nous que des traîtres ! »