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âmes que les émotions jettent du premier coup à l’extrémité opposée de leurs pensées, et qui ne discutent pas contre un sentiment. Avant d’avoir réfléchi, il s’était dévoué dans son cœur. Tout ce qui était beau lui paraissait possible. Il avait recherché et brigué, par de fausses démonstrations de fureur contre le roi, des missions plus fréquentes et plus assidues à la tour du Temple : on les lui avait prodiguées. Il avait cherché en toute occasion à se faire remarquer de Marie-Antoinette par des signes muets, qui, sans donner d’ombrage à ses collègues, fissent reconnaître à la reine qu’elle avait un ami parmi ses persécuteurs : il avait réussi.

Toulan, très-jeune, petit de taille, frêle de stature, avait une de ces physionomies délicates et expressives du Midi où la pensée parle dans les yeux et où la sensibilité palpite dans la mobilité des muscles du visage. Son regard était un langage. Depuis longtemps la reine l’avait compris. La présence d’un second commissaire, toujours attaché aux pas de Toulan, l’empêchait de s’expliquer davantage. Il parvint à séduire un de ses collègues du conseil de la commune, nommé Lepitre, et à l’entraîner, par la grandeur du projet et par la splendeur de la récompense, dans un complot d’évasion de la famille royale.

La reine vit les deux commissaires de service ensemble dans la prison tomber à ses genoux et lui offrir, dans l’ombre de son cachot, un dévouement que le lieu, le péril, la mort présente, élevaient au-dessus de tous les dévouements prodigués à sa prospérité. Elle l’accepta et l’encouragea ; elle remit de sa propre main à Toulan une mèche de ses cheveux avec cette devise en langue italienne : « Celui qui craint de mourir ne sait pas assez aimer. » C’était la lettre de crédit donnée par elle à Toulan auprès de ses amis du