Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/438

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une tentative qui devait séduire par la grandeur même des difficultés et des périls, et trouver des imaginations capables de la rêver et de l’oser. Elle en trouva.

Il y avait alors parmi les membres de la commune un jeune homme nommé Toulan ; ce jeune homme était né à Toulouse, dans une condition subalterne. Passionné pour ces études littéraires qui ennoblissent le cœur, il était venu s’établir à Paris. Le commerce de la librairie, qu’il y exerçait, satisfaisait à la fois ses goûts et ses besoins. Ses volumes, sans cesse feuilletés pour son trafic, avaient communiqué à son imagination la passion de la liberté et ces émanations romanesques qui sortent des livres et qui enivrent l’esprit. Il s’était jeté dans la Révolution comme dans un rêve en action. Son ardeur et son éloquence l’avaient popularisé dans sa section ; un des premiers à l’assaut des Tuileries le 10 août, il avait été un des premiers aussi au conseil de la commune. Signalé à ses collègues par sa haine fougueuse contre la tyrannie, il avait été choisi à ce signe pour commissaire au Temple. Entré avec l’horreur du tyran et de sa famille, il en était sorti dès le premier jour avec une adoration passionnée pour les victimes. La vue de Marie-Antoinette surtout, cette majesté relevée par sa dégradation, cette physionomie où la langueur d’une captive tempérait la fierté d’une reine, cette tristesse jetée tout à coup comme un voile sur des traits où respiraient encore tant de grâces, cette dernière lueur de la jeunesse qui allait s’éteindre dans l’humidité des cachots, cette tête charmante sur laquelle la hache était suspendue de si près, et qui lui semblait déjà tenue par les cheveux et présentée au peuple dans la main du bourreau, tout cela avait remué profondément la sensibilité de Toulan. C’était une de ces