Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/435

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ruse adroite n’y eût glissé des correspondances. Après chaque repas, on retirait les couteaux et les fourchettes nécessaires pour découper les aliments. On mesurait la longueur des aiguilles de femme, sous prétexte qu’elles pouvaient se transformer en armes de suicide. On voulut suivre la reine chez Madame Élisabeth, où elle allait tous les jours, à midi, pour dépouiller sa robe du matin. La reine, obsédée par ce regard injurieux, renonça à changer de vêtement pendant le jour. Le linge était déplié pièce à pièce. On fouilla le roi. On lui enleva jusqu’aux petits ustensiles de toilette en or à l’aide desquels il roulait ses cheveux et soignait ses dents. Il fut obligé de laisser croître sa barbe. Les poils rudes et retournés contre la chair échauffèrent douloureusement sa peau et le forcèrent de se laver plusieurs fois par jour le visage dans de l’eau fraîche. Tison et sa femme espionnaient et rapportaient sans cesse aux commissaires les moindres chuchotements, les gestes, les regards. On laissait entrer dans la cour du Temple des vociférateurs qui demandaient à grands cris la tête de la reine et du roi. Rocher chantait la Carmagnole aux oreilles du roi et enseignait au Dauphin des couplets crapuleux contre sa mère et contre lui-même. L’enfant répétait innocemment ces couplets, qui faisaient monter la rougeur au front de sa tante. Cet homme, un moment adouci, avait repris sa nature et puisait une nouvelle insolence dans le vin ; l’ivrognerie dans laquelle il s’assoupissait tous les soirs recommençait tous les matins. Les princesses, obligées de traverser sa chambre pour passer dans celle du roi et pour en sortir, trouvaient cet homme toujours couché, à l’heure du souper, souvent même au milieu du jour. Il vomissait contre elles des imprécations, et les