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ronnement, de son mariage, de la naissance de sa fille et de son fils, de la fête de son nom, étaient pour lui des jours marqués par plus de tristesse, souvent aussi par plus d’outrages : le jour de saint Louis, les fédérés et les canonniers de garde vinrent avec une ironie cruelle danser des rondes et chanter l’air du Ça ira sous ses fenêtres. Le roi rappelait mélancoliquement à la reine ces jours de leur union et de leur félicité, et lui demandait de pardonner à son sort qui les avait changés pour elle en jours de deuil. « Ah ! madame, lui disait-il un soir en voyant la reine balayer elle-même le pavé de la chambre de son fils malade, quel métier pour une reine de France ! Et si on le voyait à Vienne ! Ah ! qui eût dit en vous unissant à mon sort que je vous faisais descendre si bas ? — Et comptez-vous pour rien, lui dit Marie-Antoinette, la gloire d’être la femme du meilleur et du plus persécuté des hommes ? De tels malheurs ne sont-ils pas les plus majestueuses de toutes les grandeurs ? »

Une autre fois il vit Madame Élisabeth, qui raccommodait la robe de la reine et à qui on avait enlevé jusqu’à ses ciseaux, obligée de couper avec ses dents le fil de son aiguille ! « Ah ! ma sœur, lui dit-il, quel contraste ! vous ne manquiez de rien dans votre jolie maison de Montreuil ! » Il faisait allusion à une délicieuse résidence qu’il s’était plu à embellir pour sa sœur de toutes les élégances de la vie rustique, au temps de sa prospérité. Ce furent ses seuls retours sur le passé. Il l’évitait comme un choc de l’âme qui pouvait arracher un cri involontaire à sa fermeté.