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XXVI

Avant de s’endormir, le roi attendait toujours que le municipal du lendemain, qu’on relevait à minuit, fût arrivé, pour savoir le nom de ce nouveau surveillant, et pour connaître par ce nom ce que la journée suivante présageait de douceur ou de rudesse à sa famille. I1 s’endormait ensuite d’un sommeil paisible, car le poids des jours d’infortune ne lasse pas moins l’homme que la fatigue des jours heureux. Depuis que ce prince était captif, les défauts de sa jeunesse avaient peu à peu disparu. La bonhomie un peu rude de son caractère s’était changée en sensibilité et en grâce pour ceux qui l’entouraient. Il semblait vouloir racheter, à force de patience pour lui-même et de tendre intérêt pour les autres, le tort de leur faire partager ses malheurs. On ne reconnaissait plus ses brusqueries de roi. Tous ses petits défauts de caractère s’étaient effacés devant la grandeur de sa patience. La solennité tragique de son abaissement donnait à sa personne la dignité que le trône lui avait refusée. La chute l’avait attendri, la prison l’avait ennobli, l’approche de la mort le consacrait. Il pressait dans cet étroit espace, dans ce cercle de famille, dans ce peu de jours qui lui restaient, tout ce que la nature, l’amour et la religion, avaient mis dans son âme de tendresse, de courage et de vertus. Ses enfants l’adoraient, sa sœur l’admirait. La reine s’étonnait des trésors de douceur et de force qu’elle lui dé-