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vainement les serrures, faisait attendre longtemps le roi et les princesses debout derrière lui. À peine la porte du premier guichet était-elle ouverte, qu’il descendait précipitamment l’escalier en froissant du coude le roi et la reine, et qu’il allait se placer en factionnaire à la dernière porte. Là, debout, obstruant l’issue, examinant les figures, il lançait de sa pipe des nuages de fumée au visage de la reine, de Madame Élisabeth et de la princesse royale, regardant à chaque bouffée si l’intention de son insulte était comprise et si les témoins de sa bassesse l’en récompensaient par des sourires d’intelligence.

Ses outrages applaudis l’encourageaient à les renouveler tous les jours. Les gardes nationaux de service avaient soin de se rassembler chaque fois, à la sortie du roi, pour jouir de ce supplice de la dignité royale livrée aux outrages d’un porte-clefs. Ceux que révoltait cette lâcheté renfermaient dans leur cœur une indignation qui eût paru un crime à leurs camarades. Les plus cruels ou les plus curieux se faisaient apporter des chaises du corps de garde. Ils s’asseyaient, le chapeau sur la tête, quand le roi passait, rétrécissant avec affectation le passage, pour que le monarque déchu contemplât de plus près leur irrévérence et sa dégradation. Des éclats de rire, des chuchotements, des épithètes grossières ou obscènes couraient dans les rangs sur le passage du roi et des princesses. Ceux qui n’osaient pas prononcer ces injures les écrivaient avec la pointe des baïonnettes sur les murs du vestibule et des escaliers. On y lisait à chaque marche des allusions outrageantes à la grosseur du roi, aux prétendus désordres de la reine, des menaces de mort aux enfants, louveteaux à étrangler avant l’âge où ils dévoreraient le peuple !