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pératif, qui ordonnait l’expulsion immédiate de tous les individus étrangers à la famille royale, sans en excepter les femmes de service et les deux serviteurs attachés à leur personne. Cet ordre, promulgué à une pareille heure avec des termes et des gestes qui en redoublaient la cruauté, frappa tous les détenus de stupeur et de consternation. Hue et Chamilly, se précipitant à demi vêtus dans la chambre de leur maître, se tenaient mutuellement les mains, debout devant le lit du roi. Ils exprimaient par ce geste muet leur horreur de se séparer. « Prenez garde, leur dit un officier municipal, la guillotine est permanente et frappe de mort les serviteurs des rois. »

Madame de Tourzel, gouvernante du Dauphin, apporta l’enfant assoupi sur le lit de la reine éplorée. Mademoiselle Pauline de Tourzel était serrée dans les bras de la jeune princesse royale, à laquelle l’âge et l’amitié l’attachaient comme à une sœur. Madame de Navarre, dame de Madame Élisabeth ; les trois femmes de service de la reine, des princesses, des enfants ; mesdames Saint-Brice, Thibault, Bazire, fondaient en larmes aux pieds de leur maîtresse. Marie-Antoinette et la princesse de Lamballe, enlacées dans les bras l’une de l’autre, sanglotaient de douleur. La violence seule put les séparer. Les municipaux entraînèrent madame de Lamballe évanouie sur l’escalier, hors de ces murs où elle laissait sa reine et son amie. Le roi ne put se rendormir. Madame Élisabeth et la jeune princesse royale passèrent le reste de la nuit à pleurer dans la chambre de la reine. De ce jour seulement Marie-Antoinette se sentit captive. On venait de lui enlever l’amitié.