Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/369

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


XXVI

Ces tiraillements se prolongèrent longtemps entre les deux factions de la Gironde. Elles menaçaient d’en rompre l’unité. Sieyès les concilia. Esprit sans haine et sans amour, il n’apportait que sa raison dans les affaires. Il répugnait autant que Vergniaud à ce jugement d’un roi que la victoire avait jugé. Il ne reconnaissait à la Convention ni le droit ni l’impartialité nécessaires à un jugement. Il ne voyait dans l’immolation de Louis XVI qu’un de ces actes de colère nationale qui font plus tard rougir les peuples de sang-froid et qui jettent une tache de sang sur le berceau de leur liberté. Sieyès espérait que la réflexion et la justice ramèneraient pendant la durée d’un long procès le sentiment public à l’opinion de l’ostracisme, seul jugement et seul supplice des pouvoirs tombés. Mais Sieyès, qui avait le sang-froid de l’intelligence, n’avait pas l’intrépidité de l’âme. La politique et la timidité l’empêchaient de prendre des partis absolus. Il se réservait toujours la possibilité de pactiser avec la peur et de subir la nécessité des circonstances. Ses opinions étaient des avis plus que des résolutions. Il conseilla donc aux Girondins, ses amis, d’ajourner la difficulté par un atermoiement qui laisserait à chacun sa liberté d’opinion sur le jugement du roi, et qui renverrait au peuple le jugement définitif et en dernier ressort. Ainsi les Girondins conserveraient le crédit nécessaire à leur in-