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de leur âme. Triompher des Jacobins en leur disputant à tout prix la popularité, enlever à Danton et à Robespierre les prétextes dont ils s’armaient pour accuser les modérés de royalisme, noyer Marat dans le sang de septembre sans cesse remué pour soulever l’indignation de la Convention, créer et garder dans leurs mains une force armée et un pouvoir exécutif, introduire leurs amis en masse dans les comités, et lier la majorité à leurs intérêts par des fils que la main de Roland ferait mouvoir : tel était tout leur plan. Les intérêts de la patrie étaient sans doute pour beaucoup dans leurs pensées, mais ils confondaient aisément l’ambition de leur parti avec l’intérêt de la république. C’est le danger des réunions de ce genre, républicaines ou parlementaires, de changer dans l’âme des meilleurs citoyens le patriotisme en faction, et de rétrécir l’empire aux proportions d’une opinion. Une partie de la puissance de Robespierre tenait, au contraire, à ce qu’il communiquait sans cesse avec la multitude par la salle des Jacobins, tandis que les Girondins s’enfermaient dans leur propre atmosphère. Le seul avantage des réunions chez Roland était de donner de la discipline au parti girondin, d’imprimer un même esprit à leurs journaux, et de diriger, d’une main invisible, les suffrages de la Convention sur les noms de leurs amis pour les comités. Par cette tactique, ils gouvernaient les comités par les Jacobins ; mais Robespierre gouvernait l’esprit public. On sentait des deux côtés que la victoire resterait au parti le plus populaire. C’était donc la popularité qu’il fallait se disputer. Les deux partis la cherchaient partout.