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mille hommes, choisis dans les départements, pour entourer la Convention et foudroyer le peuple ; risquer une journée contre les faubourgs ; s’emparer de l’hôtel de ville, cette bastille du despotisme populaire ; concentrer le pouvoir dans un directoire républicain ; lancer Dumouriez en Belgique, Custine en Allemagne ; faire trembler tous les trônes, toutes les théocraties, toutes les aristocraties du continent sur leur existence ; négocier secrètement avec la Prusse et avec l’Angleterre ; sauver Louis XVI et sa famille, les garder en otage jusqu’à la paix et les condamner ensuite à un ostracisme éternel : tels étaient les plans pour lesquels Sieyès flattait et enflammait les Girondins.

Derrière ces plans républicains, et dans l’ombre de ses dernières pensées ou de ses réticences, se cachait peut-être un trône constitutionnel et l’avénement d’une dynastie révolutionnaire. Mais il était loin de les laisser entrevoir aux Girondins. Sieyès, qui avait été l’âme de l’Assemblée constituante, dont Mirabeau était la parole, espérait reprendre son ascendant sur les opinions et sur les affaires par l’organe de Vergniaud.

« Ce Sieyès est la taupe de la Révolution, disait avec aigreur Robespierre. L’abbé Sieyès ne se montre pas, mais il ne cesse d’agir dans les souterrains de l’Assemblée. Il dirige et brouille tout. Il soulève les terres, et il disparaît. Il crée les factions, les met en mouvement, les pousse les unes contre les autres, et se tient à l’écart pour en profiter ensuite, si les circonstances le servent. »

Condorcet, Brissot, Vergniaud, n’avaient point de préjugés contre la monarchie, et le dégoût des convulsions populaires commençait à reporter leur esprit vers la concentration de l’autorité publique. Mais le nom seul de la