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supériorité de Marat et de Danton dans la première lutte qu’il avait eu à soutenir avec eux contre les Girondins, il attendait dans le recueillement le moment de se relever. Une chute oratoire lui était plus douloureuse qu’une chute du pouvoir. Ses ennemis n’avaient pas tardé à lui fournir l’occasion de se replacer dans la lumière où il aimait à se présenter au peuple.

« Je demande la parole pour accuser Robespierre, s’écria inopinément le téméraire Louvet. — Et moi aussi je me présente de nouveau pour l’accuser, » dit Barbaroux. On voyait à leur impatience que leur accusation était prête et qu’ils épiaient l’occasion. « Écoutez mes accusateurs, » répondit froidement Robespierre. Louvet et Barbaroux se disputaient déjà la tribune, quand Danton s’élança pour s’interposer une dernière fois. « Il est temps que nous connaissions, dit Danton, il est temps que nous sachions de qui nous sommes les collègues ; il est temps que nos collègues sachent ce qu’ils doivent penser de nous. Des germes de défiance mutuelle existent dans l’Assemblée. Il faut qu’elle cesse. S’il y a un coupable parmi nous, il faut que vous en fassiez justice ! Je déclare à la Convention, à la nation entière, que je n’aime point l’individu Marat. J’ai fait l’expérience de son tempérament. Non-seulement il est acerbe et volcanique, mais il est insociable. Après un tel avis, qu’il me soit permis de dire que moi aussi je suis sans parti et sans faction. Si quelqu’un peut me prouver que j’appartiens à une faction, qu’il me confonde à l’instant ! Si, au contraire, il est vrai que ma pensée est à moi, que je suis fortement décidé à mourir plutôt que de devenir la cause d’un déchirement de la république, qu’on m’accorde d’énoncer ma pensée tout entière sur notre situation actuelle.