Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/310

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Guadet. « Guadet, lui dit-il d’une voix prophétique, vous ne savez point faire à la patrie le sacrifice de vos ressentiments. Vous ne savez pas pardonner. Vous serez victime de votre obstination. Allons chacun où le flot de la Révolution nous pousse. Nous pouvions la dominer unis ; désunis, elle nous dominera. Adieu ! » La conférence fut rompue ; Danton fut refoulé vers Robespierre, et la direction de la Convention remise au plus audacieux.

Néanmoins Danton, qui prévoyait l’anarchie et qui redoutait Robespierre, fit seul avec Dumouriez une alliance offensive et défensive contre leurs ennemis communs. Un coup d’œil avait suffi au vainqueur de Valmy pour juger les Girondins. « Ce sont des Romains dépaysés, dit-il à Westermann, son confident. La république comme ils l’entendent n’est que le roman d’une femme d’esprit. Ils vont s’enivrer de belles paroles pendant que le peuple s’enivrera de sang ! Il n’y a ici qu’un homme, c’est Danton. » À dater de ce jour, Dumouriez et Danton concertèrent secrètement toutes leurs pensées. Ces deux hommes, désormais unis, eurent cependant encore une dernière entrevue avec les Girondins chez madame Roland. On eût dit que l’instinct de leur avenir les avertissait des dangers de leur rupture, et cherchait encore à les rapprocher. Madame Roland couvrit de séductions et d’enivrement l’abîme qui séparait les deux partis. Vergniaud tendit sa main généreuse à la main de Danton repentant. Louvet immola Robespierre et Marat sous ses sarcasmes, au rire amer de ses amis et au mépris de son rival. Dumouriez raconta sa guerre et promit au printemps la Belgique à la république, si la république voulait seulement vivre jusque-là. Les cœurs parurent s’ouvrir. L’enthousiasme de la patrie transporta un