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plier la commune au joug de la loi. À Paris, les comités de la Convention dominés par les amis de Roland et de Danton ; aux frontières, Dumouriez assurant l’armée à la Convention, et éblouissant l’opinion de l’éclat de nouvelles victoires, devaient sauver la nation au dehors et consolider le gouvernement au dedans. Ce plan, développé par Dumouriez et adopté par la majorité des convives, séduisit tous les esprits. Pétion y adhérait ; Sieyès, Condorcet, Gensonné, Brissot, en reconnaissaient la nécessité. Vergniaud, plus politique et plus homme d’État que l’indolence de son caractère ne le laissait soupçonner, consentait à mettre un sceau sur ses lèvres, et à sacrifier l’indignation de son âme aux nécessités de la patrie. Plusieurs fois, dans le cours de la soirée, l’alliance parut cimentée.

Mais Buzot, Guadet, Barbaroux, Ducos, Fonfrède, Rebecqui, dont le républicanisme avait alors toute l’inflexibilité d’une idée sans tache, ne se liaient qu’avec une répugnance visible à des concessions qui leur faisaient tacitement accepter la solidarité des assassinats de septembre. « Tout, excepté l’impunité aux égorgeurs et à leurs complices ! » s’écria Guadet en se retirant. Danton, irrité, mais dominant sa colère par son sang-froid, alla à lui et essaya de le ramener à des vues plus conciliantes.

« Notre division, lui dit-il en lui prenant la main, c’est le déchirement de la république. Les factions nous dévoreront les uns après les autres, si nous ne les étouffons pas dès le premier moment. Nous mourrons tous, vous les premiers ! — Ce n’est pas en pardonnant au crime qu’on obtient le pardon des scélérats, répondit sèchement Guadet. Une république pure ou la mort : c’est le combat que nous allons livrer. » Danton laissa retomber tristement la main