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tête haute et un peu penchée à gauche, comme dans le défi. L’ensemble de sa figure, vue de loin et éclairée d’en haut, avait de l’éclat et de la force, mais du désordre. Tous les traits divergeaient comme la pensée. C’était le contraire de la figure de Robespierre, convergente et concentrée comme un système : l’une, méditation constante ; l’autre, explosion continue. À l’inverse de Robespierre, qui affectait la propreté et l’élégance, Marat affectait la trivialité et la saleté du costume. Des souliers sans boucles, des semelles de clous, un pantalon d’étoffe grossière et taché de boue, la veste courte des artisans, la chemise ouverte sur la poitrine, laissant à nu les muscles du cou ; les mains épaisses, le poing fermé, les cheveux gras sans cesse labourés par ses doigts : il voulait que sa personne fût l’enseigne vivante de son système social.


XXX

Tel était l’homme que les Girondins avaient habilement choisi pour flétrir en lui la faction de la commune qui leur était opposée. Attaqué par eux, abandonné par Danton, renié par Robespierre, Marat venait de leur échapper par la seule énergie de son attitude et par la franchise de son langage. Ils sentirent qu’il fallait reprendre le combat, achever la victoire, ou courber la tête devant le triumvirat. C’était le moment pour la Convention de nommer de nouveaux ministres ou de maintenir le ministère du 10 août.