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appelé Marat. Ce mystère, ces souterrains, ces cachots d’où s’échappaient ses feuilles, ajoutaient un prestige aux écrits, au nom, à la vie de Marat. Le peuple s’attendrissait sur les dangers, les fuites, les asiles ténébreux, les souffrances, les haillons de celui qui paraissait souffrir tout cela pour sa cause. Marat ne sortait d’une retraite que pour entrer dans une autre. Poursuivi, en 1790, par La Fayette, Danton le couvrit de sa protection et le cacha chez mademoiselle Fleury, actrice du Théâtre-Français. Soupçonné dans cet asile, il se réfugia à Versailles, chez Bassal, curé de la paroisse Saint-Louis et plus tard son collègue à la Convention. Ces frères de la religion nouvelle se visitaient et se secouraient les uns les autres. Décrété de nouveau d’accusation par les Girondins Lasource et Guadet pendant l’Assemblée législative, le boucher Legendre le recueillit dans sa cave. Les souterrains du couvent des Cordeliers l’abritèrent ensuite, lui et ses presses, jusqu’au 10 août. Il en sortit, porté en triomphe, pour entrer, sous le patronage de Danton, à la commune, et y combiner les massacres de septembre. Étranger jusque-là à tous les partis, mais redouté de tous, les Jacobins, sur la demande de Chabot et de Taschereau, le recommandèrent aux électeurs de Paris. La terreur de son nom sollicitait pour lui : il fut élu.

Il vivait alors dans un petit appartement d’une rue voisine des Cordeliers, avec une femme qui s’était attachée à ses malheurs. Cette femme, encore jeune, portait dans sa pâleur et dans la maigreur de ses traits les traces des misères qu’elle souffrait avec lui et pour lui. C’était la femme de son imprimeur, que Marat avait séduite et enlevée à son mari. Vouée pour lui à une vie errante et ténébreuse, elle souffrait l’ignominie de ce nom. Maîtresse, complice, ser-