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prouvé l’idée d’un tribunat, d’un triumvirat, d’une dictature.

» Si quelqu’un est coupable d’avoir jeté dans le public cette idée, c’est moi ! j’appelle sur moi la vengeance de la nation ; mais, avant de faire tomber sur ma tête l’opprobre ou le glaive, écoutez-moi.

» Au milieu des machinations, des trahisons dont la patrie était sans cesse environnée, à la vue des complots atroces d’une cour perfide, à la vue des menées secrètes des traîtres enfermés dans le sein même de l’Assemblée législative, me ferez-vous un crime d’avoir proposé le seul moyen que je crusse propre à nous retenir au bord de l’abîme toujours ouvert ? Lorsque les autorités constituées ne servaient plus qu’à enchaîner la liberté, qu’à protéger les complots, qu’à égorger les patriotes avec l’arme de la loi, me ferez-vous un crime d’avoir provoqué sur la tête des traîtres la hache vengeresse du peuple ? Non ; si vous me l’imputiez à crime, le peuple vous démentirait. Car, obéissant à ma voix, il a senti que le moyen que je proposais était le seul qui pût sauver la patrie ; et, devenu dictateur lui-même, il a su se débarrasser seul des traîtres. J’ai frémi moi-même des mouvements impétueux et désordonnés du peuple lorsque je les vis se prolonger, et, pour que ces mouvements ne fussent pas éternellement vains et aveugles, j’ai demandé que le peuple nommât un bon citoyen, sage, juste et ferme, connu par son ardent amour de la liberté, pour diriger ses actes et les faire servir au salut public ! Si le peuple avait pu sentir la justesse de cette mesure et l’adopter le lendemain de la prise de la Bastille, il aurait abattu à ma voix cinq cents têtes de machinateurs ; tout aujourd’hui serait tranquille : les traîtres auraient frémi ; la liberté et la justice seraient établies dans