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tateurs de Paris. Des bruits de dictature étaient répandus, moitié par les partisans de Robespierre, moitié par ses rivaux. Ces bruits étaient accrédités par Marat, qui ne cessait de demander au peuple de remettre à un seul homme le pouvoir et la hache, pour immoler tous ses ennemis à la fois. Les Girondins grossissaient ces bruits sans y croire. Les partis se combattent avec des soupçons. Depuis que le soupçon de royalisme ne pouvait plus atteindre personne, le soupçon d’aspirer à la dictature était le coup le plus mortel que les partis pussent se porter.

Si la souveraineté sur l’opinion était le rêve unique de Robespierre, dans un lointain confus, ainsi que son confident Lebas croyait le lire dans les pensées de son ami, l’aspiration à une dictature actuelle et directe était une calomnie contre son bon sens. Il lui fallait grandir immensément encore dans la confiance et dans le fanatisme du peuple pour oser dominer la représentation. Ses ennemis se chargeaient de l’élever en l’attaquant. L’accuser de prétention à la dictature, c’était rendre deux services à sa renommée. C’était, d’une part, lui préparer une occasion facile et certaine de démontrer son innocence ; c’était, de l’autre, donner l’idée du crime dont on l’accusait, et lui faire une candidature au pouvoir suprême par la bouche même de ses calomniateurs : double fortune pour un ambitieux.