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moment, Robespierre ne cessa plus, jusqu’au 9 thermidor, de vivre dans la famille du menuisier. Une longue cohabitation, une table commune, la contiguïté de vie de plusieurs années, avaient converti l’hospitalité de Duplay en mutuel attachement. La famille de son hôte était devenue comme une seconde famille pour Robespierre. Cette famille, à laquelle Robespierre avait fait adopter ses opinions sans rien lui enlever de la simplicité de ses mœurs et même de ses pratiques religieuses, se composait du père, de la mère, d’un fils encore adolescent et de quatre jeunes filles dont l’aînée avait vingt-cinq ans et la plus jeune dix-huit. Le père, occupé tout le jour des travaux de son état, allait quelquefois entendre le soir Robespierre aux Jacobins. Il en revenait pénétré d’admiration pour l’orateur du peuple et de haine contre les ennemis de ce jeune et pur patriote. Madame Duplay partageait l’enthousiasme de son mari. L’estime qu’elle ressentait pour Robespierre lui faisait trouver honorables et doux les petits services de domesticité volontaire qu’elle lui rendait, comme si elle eût été moins son hôtesse que sa mère. Robespierre payait en affection ces services et ce dévouement. Il renfermait son cœur dans cette pauvre maison. Causeur avec le père, filial avec la mère, paternel avec le fils, familier et presque frère avec les jeunes filles, il inspirait et il éprouvait, dans ce cercle intérieur formé autour de lui, tous les sentiments qu’une âme ardente n’inspire et n’éprouve qu’en se répandant sur beaucoup d’espace au dehors.