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-même, il lui demandait surtout de l’accomplir. Ses idées, d’abord confuses comme des instincts, commençaient à se clarifier par l’étude et par la pratique. Son talent, d’abord rebelle et laborieux, commençait à mieux servir sa volonté. Dénué des dons extérieurs et des inspirations soudaines de l’éloquence naturelle, il avait tant travaillé sur lui-même, il avait tant médité, tant écrit, tant raturé, il avait tant bravé l’inattention et le sarcasme de ses auditoires, qu’il avait fini par assouplir et par échauffer sa parole, et par faire de toute sa personne, malgré sa taille maigre et roide, malgré sa voix grêle et son geste brisé, un instrument d’éloquence, de conviction et de passion.

Écrasé pendant l’Assemblée constituante par Mirabeau, par Maury, par Cazalès ; vaincu aux Jacobins par Danton, par Pétion, par Brissot ; effacé à la Convention par l’incomparable supériorité de parole de Vergniaud, s’il n’avait été soutenu par l’obstination de l’idée et par l’intrépidité d’une volonté qui se sentait la force de tout dominer, parce qu’elle le dominait lui-même, il aurait mille fois renoncé à la lutte, et serait rentré dans l’ombre et dans le silence. Mais il lui eût été plus facile de mourir que de se taire, quand son silence lui paraissait une désertion de ses principes. Sa force était là. Il était l’homme le plus convaincu de toute la Révolution : voilà pourquoi il en fut longtemps le serviteur obscur, puis le favori, puis le tyran, puis la victime.

On croyait autour de lui que la Révolution n’était à ses yeux que la réalisation de la philosophie du dix-huitième siècle, l’éclosion de la justice et de la raison dans la loi. Robespierre, c’était une utopie philosophique en action. Sa politique, rédigée dans le Contrat social, n’était que la lettre sans âme de la théorie évangélique qu’il voulait réa-