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des hommes d’État capables de manier les révolutions : Mirabeau et moi. Après nous elle a brisé le moule. Ces hommes sont des bavards qui perdent le temps à arranger des mots et qui s’en vont dormir sur les applaudissements. Crois-tu que je vais les combattre et leur disputer la tribune et le ministère ? Détrompe-toi ! je vais me ranger de côté et les livrer avec leur impuissance au néant de leurs pensées et aux difficultés du gouvernement. La grandeur des événements les écrasera. Pour me débarrasser d’eux, je n’ai besoin que d’eux-mêmes. » Ainsi, les Girondins trouvaient la place presque vide et l’opinion désarmée devant eux. Un seul homme avait grandi en opinion et en popularité depuis le 10 août, et cet homme était Robespierre. Étudions-le ici avant le moment où il va se perdre dans le tumulte des événements.


IX

Robespierre paraissait alors le philosophe de la Révolution. Par une puissance d’abstraction qui n’appartient qu’aux convictions absolues, il s’était, pour ainsi dire, séparé de lui-même pour se confondre avec le peuple. Sa supériorité venait de ce que nul autant que lui ne semblait servir la Révolution pour elle-même. Par un retour naturel, la Révolution se reconnaissait en lui : elle n’était pas pour Robespierre une cause politique, c’était une religion de son esprit. Il ne lui demandait pas seulement de le grandir lui--