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Roland, depuis ce jour, était l’objet de toutes les calomnies des feuilles de Marat et de toutes les émeutes des factieux. Menacé à tout instant dans son propre hôtel, au ministère de l’intérieur, insuffisamment protégé par un faible poste de gendarmerie, il était fréquemment obligé, pour sa sûreté, de passer les nuits hors de chez lui. Quand il y couchait, madame Roland plaçait elle-même des pistolets sous l’oreiller du lit, soit pour se défendre contre les attaques nocturnes de meurtriers apostés, soit pour se soustraire par une mort volontaire aux outrages des assassins. Roland, animé par cette femme virile, n’avait pas faibli sous ses devoirs. Ses lettres aux départements pour combattre les sanguinaires provocations de la commune, les feuilles publiques rédigées dans ses bureaux et dont les articles les plus mâles respiraient l’âme de sa femme, la Sentinelle, journal républicain et honnête, écrit sous sa dictée par Louvet, attestaient ses efforts impuissants pour retenir la Révolution dans les voies de la justice et de la loi.

Bientôt Danton et Fabre d’Églantine essayèrent de soustraire à Roland ce moyen d’action sur l’esprit public, en attirant à eux la plus grande part des deux millions de fonds secrets que l’Assemblée avait confiés au pouvoir exécutif. Ils y réussirent, et désarmèrent ainsi le ministre de l’intérieur du faible levier qui lui restait sur l’opinion.