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cesse exposée dans ses palais, dans ses cérémonies, dans ses temples, à la tête de ses armées, aux adorations de la multitude ; richement dotée d’une liste civile et de propriétés inamissibles et toujours grossissantes, élément de corruption des caractères, organe de toutes les volontés, exécutrice de toutes les lois, négociatrice avec toutes les cours étrangères, nommant tous les ministres et rejetant sur eux ses responsabilités et ses impopularités, canal de toutes les grâces, seule institution héréditaire au sein d’une constitution où tout sera électif et viager, transmettant du père au fils des traditions ambitieuses d’envahissement du pouvoir, usant les hommes et les partis sans s’user jamais elle-même, comment une telle royauté, dans de telles mains, restera-t-elle inoffensive à l’égalité et à la liberté dans la nation ? N’aura-t-elle pas évidemment sur les pouvoirs populaires l’avantage de ce qui ne passe pas sur ce qui passe ? et n’aura-t-elle pas absorbé, avant qu’un siècle se soit écoulé, tout ce que nous aurons eu l’imprudence de lui confier de nos droits et de nos intérêts, après avoir eu le vain courage de les conquérir ? Mieux valait ne pas renverser ce préjugé que de le rétablir de nos propres mains !

» La république démocratique, poursuivaient-ils, est le seul gouvernement selon la raison. Là, point d’homme déifié, point de famille hors la loi, point de caractère hors de l’égalité, point de fiction supposant dans le fils le génie ou la vertu du père, et donnant aux uns l’hérédité du commandement, aux autres l’hérédité de l’obéissance.

» La raison humaine est la seule légitimité du pouvoir. L’intelligence est le titre non de la souveraineté, la nation n’en reconnaît point hors de soi, mais le titre de magistratures instituées dans l’intérêt et au service de tous. L’élec-