Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/203

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Prussiens ? ne vous donnent-elles pas quelque ombrage contre moi ? — Non, non, répondirent les soldats, avec un autre nous serions inquiets et nous éplucherions sa conduite ; mais avec vous nous fermons les yeux, vous êtes notre père. » L’habile général endormait ainsi son armée.


V

Les mêmes rapprochements entre les généraux des deux camps opposés se remarquaient au camp de Kellermann. Mais les entretiens n’y roulaient que sur l’échange des prisonniers.

Une circonstance hâta la détermination du roi de Prusse et du duc de Brunswick. Le major prussien Massembach, confident du roi, dînait chez Kellermann avec plusieurs généraux français et les deux fils du duc d’Orléans. Après le repas, Dillon, causant dans l’embrasure d’une fenêtre avec Massembach, lui dit que, si le roi son maître ne consentait pas à reconnaître la république, Louis XVI, la noblesse et le clergé périraient infailliblement en France ; que lui-même, quoique dévoué de principes et de cœur à la cause populaire, il ne sauverait pas sa tête de la hache du peuple. Puis, jetant autour de lui dans la salle un regard inquiet et rapide, et s’apercevant que les convives, dispersés en groupes animés, ne l’observaient pas, il entraîna Massembach sur un balcon. « Voyez, lui dit-il tout haut, quel magnifique pays ! » Puis, baissant la voix et changeant de