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positions de Kellermann. Elle marcha le 19 à Somme-Tourbe et y passa la nuit sous les armes. Le bruit s’était répandu au quartier général du roi de Prusse que les Français méditaient leur retraite sur Châlons et que les mouvements qu’on apercevait dans leur ligne n’avaient d’autre but que de masquer cette marche rétrograde. Le roi s’indigna d’un plan de campagne qui les laissait toujours échapper. Il crut surprendre Dumouriez dans la fausse attitude d’une armée qui lève son camp. Le duc de Brunswick, dont l’autorité militaire commençait à souffrir du peu de succès de ses précédentes manœuvres, employa en vain le général Kœler à modérer l’ardeur du roi. L’attaque fut résolue.

Le 20, à six heures du matin, le duc marcha à la tête de l’avant-garde prussienne sur Somme-Bionne, dans l’intention de déborder Kellermann et de lui couper sa retraite par la grande route de Châlons. Un brouillard épais d’automne flottait sur la plaine, dans les gorges humides où coulent les trois rivières, dans les ravins creux qui séparaient les deux armées, et ne laissait que les sommités des mamelons et les crêtes des collines éclater de lumière au-dessus de cet océan de brume. Ce brouillard, qui ne permettait aux regards qu’un horizon de quelques pas, masquait entièrement l’un à l’autre les mouvements des deux armées. Un choc inattendu de la cavalerie des deux avant-gardes révéla seul, dans ces ténèbres, la marche des Prussiens aux Français. Après une mêlée rapide et quelques coups de canon, l’avant-garde française se replia sur Valmy et informa Kellermann de l’approche de l’ennemi. Le duc de Brunswick continua son mouvement, atteignit la grande route de Châlons, la dépassa et déploya successivement