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batteries et d’obstacles naturels, était inexpugnable. L’aile gauche, détachée en potence, s’avançait seule comme pour provoquer le combat ; mais, solidement appuyée par la masse de l’armée, tous les corps pouvaient circuler autour d’elle à l’abri de l’Auve et des mamelons de Lyron, comme dans des chemins couverts. L’armée faisait face à la Champagne. Elle avait encore derrière elle la route libre sur Châlons et sur la Lorraine. Vivres, renforts, munitions lui étaient assurés dans un pays riche en grains et en fourrages. Dans cette position, si habilement et si patiemment préméditée, Dumouriez répondait aux deux hypothèses de la campagne des coalisés, et bravait le génie déconcerté ou usé du duc de Brunswick.

« Ou les Prussiens, disait-il, voudront combattre, ou ils voudront marcher sur Paris. S’ils veulent combattre, ils trouveront l’armée française dans un camp retranché pour champ de bataille. Obligés pour attaquer le centre de passer l’Auve, la Tourbe et la Bionne sous le feu de mes redoutes, ils prêteront le flanc à Kellermann, qui écrasera leurs colonnes d’attaque entre ses bataillons descendus de Valmy et les batteries de mon corps d’armée. S’ils veulent négliger l’armée française, la couper de Paris en marchant sur Châlons, l’armée, changeant de front, les suivra en se grossissant sur le chemin de Paris. Les renforts de l’armée du Rhin et de l’armée du Nord, qui sont en marche ; les bataillons de volontaires épars, que je rallierai en avançant à travers les provinces soulevées, porteront le nombre des combattants à soixante ou soixante-dix mille hommes. Les Prussiens, coupés de leur base d’opérations, obligés de ravager, pour vivre, l’aride Champagne, marchant à travers un pays ennemi et sur une terre pleine d’embûches, n’avan-