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la route de Vitry, accourut au galop et lui apporta l’heureuse nouvelle de l’approche de Kellermann si longtemps attendu. Ce général, à la tête de vingt mille hommes de l’armée de Metz et de quelques milliers de volontaires de la Lorraine, n’était plus qu’à deux heures de distance. Ainsi la fortune de la Révolution et la fortune de Dumouriez, se secondant l’une l’autre, amenaient à heure fixe et au point marqué, des deux extrémités de la France et du fond de l’Allemagne, les forces qui devaient assaillir l’empire et les forces qui devaient le défendre. Le compas et l’aiguille n’auraient pas mieux réglé le lieu et la minute de la jonction que ne l’avaient fait le génie prévoyant et l’infatigable patience de Dumouriez. C’était le rendez-vous de quatre armées sous le doigt d’un homme. À l’instant même, Dumouriez, rappelant à lui ses détachements isolés, se prépara à la lutte par la concentration de toutes ses forces éparses. Le général Dubouquet, posté au défilé de l’Argonne appelé le Chêne-le-Populeux, et que la trouée de Clairfayt à la Croix-au-Bois avait coupé de l’armée principale, s’était retiré avec ses trois mille hommes à Châlons. Ce général, en arrivant dans cette ville, où il croyait, comme Beurnonville, rejoindre Dumouriez, n’y avait trouvé que dix bataillons de fédérés et de volontaires arrivés de Paris. Ces bataillons, à la nouvelle de la retraite de l’armée, s’ameutèrent contre leurs chefs, coupèrent la tête à quelques-uns de leurs officiers, entraînèrent les autres, pillèrent les magasins de l’armée, arrachèrent les marques de leurs grades aux commandants des troupes de ligne, assassinèrent le colonel du régiment de Vexin, qui voulut défendre ses épaulettes, et enfin se débandèrent et reprirent en hordes confuses le chemin de Paris, procla-