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les remercia, les encouragea, et leur jeta à propos quelques brèves et soldatesques reparties, qui, transmises de bouche en bouche et de groupe en groupe, circulèrent comme le mot d’ordre de la gaieté dans le camp et allèrent réjouir le bivouac des bataillons. Les soldats du camp de Grandpré, témoins des marques d’attachement que les soldats du camp de Maulde donnaient à leur général, sentirent s’accroître en eux une confiance que Dumouriez commençait seulement à conquérir. L’extérieur, la cordialité militaires, l’attitude, le geste, la parole de cet homme de guerre, prenaient sur les troupes un tel empire que les deux camps, jaloux des préférences de leur chef, rivalisèrent en peu de jours à qui mériterait mieux d’être appelés ses enfants. Il avait du cœur pour ses soldats ; ses soldats avaient de la tendresse pour leur chef. Leur enthousiasme était un besoin pour lui ; il l’allumait d’un regard. Il ne les maniait pas comme des machines, mais comme des hommes.


VI

Dumouriez n’avait pas dégagé encore son cheval, quand Westermann et Thouvenot, ses deux officiers de confiance dans son état-major, vinrent lui annoncer que l’armée prussienne en masse avait dépassé la pointe de l’Argonne et se déployait sur les collines de la Lune, de l’autre côté de la Tourbe, en face de lui. Au même instant le jeune Macdonald, son aide de camp, envoyé l’avant-veille sur