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fendus avec une valeur désespérée par l’ennemi ; que huit cents morts jonchent le défilé, et que le prince de Ligne lui-même a payé de sa vie sa conquête d’un jour.

Mais à peine ce billet était-il lu au camp de Grandpré et Dumouriez s’était-il endormi sur sa sécurité, que Clairfayt, brûlant de venger la mort du prince de Ligne et de donner un assaut décisif à ce rempart de l’armée française, lance toutes ses colonnes dans le défilé, s’empare des hauteurs, foudroie la colonne de Chazot de front et sur ses deux flancs, enlève ses canons, force Chazot à déboucher de la forêt dans la plaine, le coupe de sa communication avec le camp de Grandpré, et le rejette fuyant et en déroute sur Vouziers. Au même instant le corps des émigrés attaque le général Dubouquet au défilé du Chêne-le-Populeux. Français contre Français, la valeur est égale. Les uns combattent pour sauver une patrie, les autres pour la reconquérir. Dubouquet succombe, évacue le passage et se retire sur Châlons. Ces deux désastres frappent à la fois Dumouriez. Chazot et Dubouquet semblent lui tracer la route. Le cri de son armée tout entière lui indique Châlons pour refuge. Clairfayt, à la tête de vingt mille hommes, allait lui couper sa communication avec Châlons. Le duc de Brunswick, avec soixante-dix mille Prussiens, l’enfermait des trois autres côtés dans le camp de Grandpré. Ses détachements égarés et sans retour possible réduisaient l’armée de Grandpré à quinze mille combattants. Mourir de faim dans ces retranchements, mettre bas les armes, ou se faire tuer inutilement sur une position déjà tournée, telles étaient les trois alternatives qui se présentaient seules à l’esprit du général. La route de Châlons, encore ouverte derrière lui, allait être murée par deux marches de Clair-