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comprenez-vous pas que je l’aurais déjà fait ? » Alquier se retira consterné. Il avait compris.

Ces paroles échappées à l’impatience de Danton sont le commentaire de celles qu’il proférait le 2 septembre à l’Assemblée : « La patrie est sauvée ; le tocsin qu’on va sonner n’est point un signal d’alarme : c’est la charge sur les ennemis de la patrie ! Pour les vaincre, pour les atterrer, que faut-il ?… De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace ! » Il acheva de relever le sens qu’elles avaient dans sa pensée le soir même des massacres de Versailles. Les assassins de Brissac et de Lessart se rendirent à Paris, à la nuit tombante, et se pressèrent sous les fenêtres du ministre de la justice, demandant des armes pour voler aux frontières. Danton se leva de table et parut au balcon. « Ce n’est pas le ministre de la justice, c’est le ministre de la Révolution qui vous remercie ! » leur dit-il. Jamais proscripteur n’avoua plus audacieusement ses satellites. Danton violait les lois qu’il était chargé de défendre, il acceptait le sang qu’il était chargé de venger ; ministre non de la liberté, mais de la mort. Septembre fut le crime de quelques hommes, et non le crime de la liberté.