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sident du département de Paris, il avait, au 20 juin, demandé la destitution de Pétion. Ce fut son arrêt. Retiré depuis le 10 août aux bains de Forges avec la duchesse d’Enville, sa mère, et avec sa jeune femme, il y reçut un mandat d’arrêt de la commune porté par un de ses proconsuls de l’hôtel de ville. Le commissaire, effrayé lui-même de sa mission, conseilla au duc de ne pas se fier à son innocence et de s’enfuir en Angleterre. La Rochefoucauld refusa. Il se mit en route pour Paris avec sa mère, sa femme et le commissaire de la commune. Un bataillon de garde nationale du Finistère et un détachement des assassins de Paris l’attendaient à Gisors. Ils demandèrent sa tête. Le maire et la garde nationale de Gisors se dévouèrent en vain pour le protéger. Pendant que la voiture qui contenait les femmes prenait les devants, une haie de municipaux et de gardes nationaux escorta le prisonnier hors de la ville par des rues détournées. Vaine prudence ! Au sortir des portes, un embarras de voitures obstruant la route, la haie se rompit. Un assassin, ramassant un pavé, le lança à la tête du duc et l’étendit mort sous les pas de ce peuple auquel il avait consacré sa vie. On ne rapporta que son cadavre à sa mère et à sa femme, qui le croyaient sauvé. Ce meurtre d’un des premiers apôtres de la liberté et de la philosophie retentit comme un sacrilége dans toute l’Europe. Aucun crime ne dépopularisa plus la Révolution. Elle semblait parricide en immolant ce père du peuple. Le grand orateur Burke et ses amis, dans le parlement anglais, rougirent de fraterniser avec les meurtriers de La Rochefoucauld, et changèrent leurs apothéoses en imprécations.