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tants, et quand vous serez dans la rue, criez : « Vive la nation ! » Un des chefs des massacreurs, nommé Truchon ou le Grand Nicolas, soutient la princesse d’un côté, un de ses acolytes la soutient de l’autre. Elle paraît sur le seuil et recule en arrière à l’aspect du monceau de cadavres mutilés. Oubliant le cri sauveur qu’on lui a recommandé de proférer : « Dieu, quelle horreur ! » s’écria-t-elle. Truchon lui mit la main sur la bouche et la fit enjamber les morts. Les égorgeurs, désarmés par cette apparition angélique, s’arrêtèrent devant tant de beauté. Elle avait traversé au milieu de l’étonnement et du silence plus de la moitié de la rue, quand un garçon perruquier, nommé Charlot, ivre de vin et de carnage, veut, par un jeu barbare, enlever avec la pointe de sa pique le bonnet qui couvre les cheveux de madame de Lamballe ; la pique, mal dirigée par une main avinée, effleure le front de la princesse ; le sang jaillit et couvre son visage.


XVII

Les égorgeurs, à la vue du sang, croient que la victime leur est dévolue et se précipitent sur elle. Un scélérat, nommé Grizon, l’étend à ses pieds d’un coup de bûche. Les sabres et les piques la frappent. Charlot la saisit par les cheveux et lui tranche la tête. D’autres dépouillent le cadavre de ses vêtements, le profanent et le mutilent. Pendant ces sacriléges, Charlot, Grizon, Mamin, Rodi —