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Brissac, après la mort de Louis XV, s’était attaché de cœur à madame du Barry, si jeune et si belle encore. Courtisan par amour de cette favorite exilée, il habitait avec elle le pavillon de Lucienne, dans le bois de Marly, don du roi à sa maîtresse. Madame du Barry chérissait Montsabray d’une de ces tendresses maternelles qui n’osent s’avouer à elles-mêmes la nature de leur sentiment. Montsabray, blessé légèrement au 10 août, s’était réfugié à Lucienne. La chambre secrète du château où il attendait sa guérison n’était connue que de madame du Barry et de ses femmes. Elle pansait elle-même la blessure du jeune militaire. Audouin, membre de la commune, ayant demandé au conseil général un corps de deux cents fédérés pour purger les environs de Paris des aristocrates qui s’étaient échappés après le combat, découvrit Montsabray au pavillon de Lucienne. Ni l’or, ni les larmes, ni les supplications de madame du Barry ne purent attendrir Audouin. Il emmena le jeune aide de camp sur un brancard, et le jeta à l’Abbaye. Au bruit du massacre, Montsabray, qui couchait dans la sacristie de la chapelle, se glissa hors de son lit, et, grimpant par le tuyau de la cheminée jusqu’au sommet du bâtiment, se suspendit à une forte grille en fer qui interceptait la cheminée. De là il entendit, deux jours et deux nuits, sans nourriture, le bruit des égorgements, espérant y échapper par sa patience. Mais l’écrou dénonçait une victime de moins. On se souvint du blessé. On le chercha en vain. Le geôlier de la chapelle, expert dans les ruses des prisonniers, fit tirer des coups de fusil d’en bas dans le tuyau. Une seule balle atteignit Montsabray et lui cassa le poignet. Il eut la force de ne pas tomber et de se taire. On allait renoncer à lui. Un guichetier apporta de la paille et l’alluma dans le foyer. La