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ques jours après, on emprisonna séparément son enfant pour se débarrasser de la pitié. Ce que des assassins n’avaient osé faire, des juges le firent : Cazotte périt.

Après lui mourut Thierri, premier valet de chambre du roi. « La reconnaissance, dit-il à Maillard, n’a pas d’opinion ; mon devoir, c’était ma fidélité à mon maître. » Percé d’une pique, qui entrait par la poitrine et qui ressortait entre les épaules, il s’appuyait d’une main sur une borne de la cour, et de l’autre il élevait encore son chapeau et faisait un dernier effort pour crier : « Vive le roi ! »

Maillé, Rohan-Chabot, le lieutenant général Wittgenstein, Romainvilliers, commandant en second la garde nationale au 10 août, les juges de paix Buob et Bosquillon, tombèrent après lui. Il y eut des repentirs, des précipitations, des confusions de noms. On vit des hommes du dehors entrer dans la cour, retourner les cadavres, laver avec des éponges le sang qui couvrait les visages, les reconnaître, et s’en aller consternés ou réjouis d’avoir manqué ou satisfait leur vengeance. Le soir du second jour, des cris de grâce pour ceux qui restaient retentirent dans la rue et dans les cours. Les prisonniers oubliés reprirent espérance. Quelques-uns rassemblent ce qu’ils ont de plus précieux et se préparent à sortir. Des coups de feu dans l’intérieur de la prison et des cris au dehors les refoulent dans le fond des salles vides. C’était le massacre du jeune Montsabray.

Montsabray, à peine âgé de dix-huit ans, appartenait par sa famille aux plus grands noms de la noblesse. Les charmes de sa figure, les grâces de son âge, la douceur de son caractère, le faisaient admirer et adorer dans l’armée. Le duc de Brissac l’avait nommé son aide de camp. M. de