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précipita pour sortir. Il fut cloué au mur par trente piques, et mourut en croyant voler à la liberté.

M. de Montmorin avait eu entre les mains un reçu de cent mille livres payées à Danton, par ordre du roi, pour l’indemniser de sa charge d’avocat au Châtelet. C’était en réalité le prix de la corruption sollicité et accepté secrètement de la cour par le jeune démagogue. M. de Montmorin, quelque temps avant le 20 juin, s’inquiéta d’être le dépositaire d’un secret qui devait paraître à Danton une révélation menaçante sans cesse suspendue sur sa popularité. L’ancien ministre alla trouver M. de La Fayette, son ami, lui confia ce mystère et lui demanda conseil. « Vous n’avez qu’un de ces deux partis à prendre, répondit M. de La Fayette : ou avertir Danton que vous publierez son marché, s’il n’en accomplit pas les conditions en faveur du roi, ou lui remettre le reçu, et le prendre ainsi par la reconnaissance et par la générosité en vous désarmant de vos preuves contre lui. » M. de Montmorin ne suivit ni l’un ni l’autre de ces conseils. Il se contenta d’écrire à Danton qu’il avait brûlé son reçu, mais il ne lui renvoya pas sa signature. Danton put croire que ce témoignage existait encore, et qu’en tout cas M. de Montmorin était à jamais un témoin dangereux à sa renommée. On implora en vain pour lui l’élargissement obtenu pour d’autres. Il périt. Nul ne sait si cette mort fut un oubli ou une prudence de ceux qui avaient leur nom dans sa mémoire et leur signature dans ses papiers.

Après M. de Montmorin parut Sombreuil, gouverneur des Invalides. Sa fille, arrêtée avec lui, avait la liberté de sortir. Elle avait refusé de quitter la prison où l’enchaînait son amour pour son père. Elle y habitait une chambre des-