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mouriez se retira, mais il savait que la reine, adorée de son mari, tenait la politique du roi dans la passion et dans la mobilité de son âme. Il désirait et redoutait à la fois une entrevue avec cette princesse. Un mot d’elle pouvait accomplir ou déjouer l’entreprise hardie qu’il osait former de réconcilier le roi avec la nation.


XIII

La reine fit appeler le général dans ses appartements les plus reculés : Dumouriez la trouva seule, les joues animées par l’émotion d’une lutte intérieure et se promenant vivement dans la chambre, comme quelqu’un à qui l’agitation de ses pensées commande le mouvement du corps. Dumouriez alla se placer en silence au coin de la cheminée dans l’attitude du respect et de la douleur que la présence d’une princesse si auguste, si belle et si misérable lui inspira. Elle vint à lui d’un air majestueux et irrité.

« Monsieur, lui dit-elle avec cet accent qui révèle à la fois le ressentiment de l’infortune et le mépris du sort, vous êtes tout-puissant en ce moment, mais c’est par la faveur du peuple, qui brise bien vite ses idoles. » Elle n’attendit pas la réponse et continua : « Votre existence dépend de votre conduite. On dit que vous avez beaucoup de talents. Vous devez juger que ni le roi ni moi ne pouvons souffrir toutes ces nouveautés de la constitution. Je vous le déclare franchement. Ainsi prenez votre parti. — Madame, répondit