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le trône, un roi vaincu par son peuple n’a pour refuge que l’exil ou l’échafaud. Dumouriez sentait qu’il fallait avant tout convaincre le roi de son attachement intime à sa personne, le mettre dans la confidence et pour ainsi dire dans la complicité du rôle patriotique qu’il se proposait de jouer ; se faire l’intermédiaire secret entre les volontés du monarque et les exigences du conseil, et dominer ainsi le roi par son influence sur les Girondins, les Girondins par son influence sur le roi ; ce rôle de favori du malheur et de protecteur d’une reine persécutée plaisait à son ambition comme à son cœur. Militaire, diplomate, gentilhomme, il y avait dans son âme un tout autre sentiment pour la royauté dégradée que le sentiment de jalousie satisfaite qui éclatait dans l’âme des Girondins. Le prestige du trône existait pour Dumouriez ; le prestige de la liberté existait seul pour les Girondins. Cette nuance, révélée dans l’attitude, dans le langage, dans le geste, ne pouvait pas échapper longtemps à l’observation de Louis XVI. Les rois ont le tact double, l’infortune le rend plus délicat ; les malheureux sentent la pitié dans un regard : c’est le seul hommage qu’il leur soit permis de recevoir ; ils en sont d’autant plus jaloux. Dans un entretien secret, le roi et Dumouriez se révélèrent l’un à l’autre.


XII

Les apparences turbulentes de Dumouriez dans ses commandements de Normandie, l’amitié de Gensonné, la faveur