Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 10.djvu/90

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

publicains à la séance du conseil, ils en sortaient presque royalistes.

« Le roi n’est pas connu, disait Roland à sa femme ; prince faible, c’est le meilleur des hommes ; ce ne sont pas les bonnes intentions qui lui manquent, ce sont les bons conseils ; il n’aime pas l’aristocratie, et il a des entrailles pour le peuple ; il est né peut-être pour servir de transaction entre la république et la monarchie. En lui rendant la constitution douce, nous la lui ferons aimer ; sa popularité, qu’il reconquerra par son abandon à nos conseils, nous rendra à nous-mêmes le gouvernement facile. Sa nature est si bonne que le trône n’a pu le corrompre ; il est aussi loin d’être l’imbécile abruti qu’on expose à la risée du peuple, que l’homme sensible et accompli que ses courtisans veulent faire adorer en lui ; son esprit, sans être supérieur, est étendu et réfléchi ; dans un état obscur son mérite aurait suffi à sa destinée ; il a des connaissances diverses et profondes, il connaît les affaires par les détails, il traite avec les hommes avec cette habileté simple mais persuasive que donne aux rois la nécessité précoce de gouverner leurs impressions ; sa mémoire prodigieuse lui rappelle toujours à propos les choses, les noms, les visages ; il aime le travail et lit tout ; il n’est jamais un moment oisif ; père tendre, modèle des époux, cœur chaste, il a éloigné tous les scandales qui salissaient la cour de ses prédécesseurs ; il n’aime que la reine, et sa condescendance, quelquefois funeste pour sa politique, n’est du moins que la faiblesse d’une vertu. S’il fût né deux siècles plus tôt, son règne paisible eût été compté au nombre des années heureuses de la monarchie. Les circonstances paraissent avoir agi sur son esprit. La Révolution l’a convaincu de sa nécessité, il faut le con-