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Pendant qu’on donnait au roi les premiers soins et qu’on le transportait dans son palais, les gardes postés aux portes du bal faisaient démasquer les assistants, les interrogeaient, prenaient leurs noms, visitaient leurs habits. Rien de suspect ne fut découvert. Quatre des principaux conjurés, hommes de la première noblesse de Stockholm, avaient réussi à s’évader de la salle dans la première confusion produite par le coup de pistolet et avant qu’on eût songé à fermer les portes. Des neuf confidents ou complices du crime, huit étaient déjà sortis sans avoir éveillé aucun soupçon ; il n’en restait plus qu’un dans la salle, affectant une lenteur et un calme garants de son innocence.

Il sortit le dernier de la salle ; il leva son masque devant l’officier de police, et lui dit en le regardant avec assurance : « Quant à moi, monsieur, j’espère que vous ne me soupçonnerez pas. » Cet homme était l’assassin.

On le laissa passer ; le crime n’avait d’autres indices que le crime lui-même : un pistolet et un couteau aiguisé en poignard, trouvés sous les masques et sous les fleurs sur le plancher de l’Opéra. L’arme seule révéla la main. Un armurier de Stockholm reconnut le pistolet et déclara l’avoir vendu peu de temps auparavant à un gentilhomme suédois, ancien officier des gardes, Ankarstroem. On trouva Ankarstroem chez lui, ne songeant ni à se disculper ni à fuir. Il reconnut l’arme et le crime. Un jugement injuste, selon lui, et à l’occasion duquel cependant le roi lui avait fait grâce de la vie, l’ennui de l’existence dont il voulait illustrer et utiliser la fin au profit de sa patrie, l’espoir, s’il réussissait, d’une récompense nationale digne de l’attentat, lui avaient, disait-il, inspiré ce projet. Il en revendiquait pour lui seul la gloire ou l’opprobre. Il niait tout complot et