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de la garde nationale. La discipline avait vaincu en eux l’instinct de leur propre conservation. Leur consigne était de mourir pour le roi, et ils mouraient sans tirer sur un uniforme français.

Si, au moment de cette évacuation soudaine des Tuileries et du Carrousel par l’effet de la sortie des Suisses, ces soldats étrangers eussent été secondés par quelques corps de cavalerie, l’insurrection, refoulée et coupée de toutes parts, livrait le champ de bataille aux défenseurs du roi. Les neuf cents hommes de gendarmerie postés depuis la veille dans la cour du Louvre, sur la place du Palais-Royal, aux Champs-Élysées et à l’entrée du Pont-Royal du côté de la rue du Bac, étaient plus que suffisants pour jeter le désordre dans ces masses confuses et désarmées du peuple. Mais ce corps, sur lequel on comptait le plus au château, s’abandonna lui-même et faiblit sous la main de ses commandants. Déjà, depuis l’arrivée des Marseillais au Carrousel, les cinq cents gendarmes de la cour du Louvre donnaient tous les signes de l’insubordination. Ils répondaient aux incitations des bandes armées qui passaient sur les quais en élevant leurs chapeaux en l’air et en criant : « Vive la nation ! » Au premier coup de canon qui retentit dans le Carrousel, ils remontèrent précipitamment à cheval et se crurent parqués dans cette enceinte pour la boucherie. Le maréchal de Mailly leur envoya l’ordre de sortir en escadrons par la porte de la Colonnade, de couper l’armée de Santerre par une charge sur le quai, de se diviser ensuite en deux corps dont l’un refoulerait le peuple vers le faubourg Saint-Antoine et l’autre vers les Champs-Élysées. Là un autre escadron de gendarmerie, en bataille sur la place Louis XV avec du canon, chargerait ces masses et les jetterait dans